Brief Amicus Curiae de la FSF, Eldred v. Ashcroft

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No. 01-618


À LA
Cour Suprême des États-Unis

ERIC ELDRED, et al.,
Requérants

v.

JOHN D. ASHCROFT, En sa qualité officielle
de Ministre de la Justice,
Intimé


Requête en Certiorari
auprès de la Cour Suprême des États-Unis
pour le Tribunal de première instance Columbia


Brief Amicus Curiae
de la Free Software Foundation
à l'Appui des Requérants


Questions présentées

  1. La Cour d'Appel s'est-elle trompée en statuant que, sous la clause relative au droit d'auteur, le Congrès peut indéfiniment prolonger les limites des droits d'auteur existants en adoptant nominalement in seriatim des prolongements limités ?

Table des matières

Tableau des autorités

Causes

Abrams v. United States, 250 U.S. 616 (1919) 10
Darcy v. Allen, (The Case of Monopolies),
11 Co. Rep. 84 (1603) 5
Eldred v. Reno, 239 F.3d 372 (CADC 2001) 7, passim
Feist Publications, Inc. v. Rural Telephone
Service, Co., Inc., 499 U.S. 340 (1991) 7,11,12
Goldstein v. California, 412 U.S. 546 (1973) 12
Harper & Row, Publishers, Inc. v. Nation
Enterprises, 471 U.S. 539 (1985) 9
Hawaii Housing Authority v.
Midkiff, 467 U.S. 229 (1984) 14
New York Times Co. v. Sullivan, 376 U.S. 254 (1964) 10
Reno v. American Civil Liberties Union,
521 U.S. 844 (1997) 10
San Francisco Arts & Athletics, Inc. v.
United States Olympic Committee,
483 U.S. 522 (1987) 9
Schnapper v. Foley, 667 F.2d 102 (CADC 1981) 11
Singer Mfg. Co. v. June Mfg. Co., 163 U.S. 169 (1896) 11
Trademark Cases, 100 U.S. 82 (1879) 11
West Virginia Board of Education v. Barnette,
319 U.S. 624 (1943) 10



Constitutions, lois et règlements

U.S. Const. Art. I, §8, cl. 8 3, passim
U.S. Const. Amend. I 7, passim
U.S. Const. Amend. V 13,14
Copyright Act of 1709 (Statute of Anne),
8 Anne, c. 19 6
Copyright Act of 1790, 1 Stat. 124 6
Sonny Bono Copyright Term
Extension Act, Pub. L. No. 105-298,
Title I, 112 Stat. 2827 3, passim
Statute of Monopolies, 21 Jac. I, c. 3 5



Autres documents

Yochai Benkler, Free as the Air to Common
Use: First Amendment Constraints on
Enclosure of the Public Domain,
74 N.Y.U.L. Rev. 354 (1999) 8
William Blackstone, Commentaries on
the Laws of England (1769) 5
The Charter and General Laws of the Colony
and Province of Massachusetts Bay (Boston, 1814) 6
144 Cong. Rec. H9951 (daily ed. Oct. 7, 1998) 3
Thomas I. Emerson, The System of Freedom
of Expression (1970) 9
Max Farrand, The Records of the Federal
Convention of 1787 (1937) 6
George Lee Haskins, Law and Authority
in Early Massachusetts (1960) 6
Melville B. Nimmer, Does Copyright Abridge
the First Amendment Guaranties of Free Speech
and the Press?, 17 UCLA L. Rev. 1180 (1970) 8
Mark Rose, Authors and Owners:
The Invention of Copyright (1993) 6
Cecily Violet Wedgwood, The King's Peace (1955) 5

No. 01-618


A LA
Cour Suprême des États-Unis

ERIC ELDRED, et al.,
Requérants,

v.

JOHN D. ASHCROFT, en sa qualité officielle
de Ministre de la Justice,
Intimé.


Requête en Certiorari
auprès de la Cour Suprême des États-Unis
pour le Tribunal de première instance Columbia


Brief Amicus Curiae de la
Free Software Foundation
à l'Appui des Requérants


Intérêt de l'Amicus Curiae

Ce factum est déposé au nom de la Free Software Foundation, une organisation à but non-lucratif dont le siège est à Boston, Massachusetts.[1]  La fondation pense que les gens devraient être libres d'étudier, de partager et d'améliorer tous les logiciels qu'ils utilisent, comme ils sont libres de partager et d'améliorer toutes les recettes qu'ils cuisinent, et que ce droit est un aspect essentiel du système de libre expression dans une société technologique. La fondation a travaillé pour atteindre ce but depuis 1985 en développant directement puis en distribuant et en aidant les autres à développer et à distribuer du logiciel autorisé dans des termes qui permettent à tous les utilisateurs de copier, modifier et redistribuer les œuvres, à condition de donner aux autres les mêmes libertés de les utiliser, de les modifier et de les redistribuer à leur tour. La fondation est le plus grand contributeur unique du système d'exploitation GNU (largement utilisé aujourd'hui dans ses variantes GNU/Linux pour des ordinateurs allant du simple PC au grappes de supercalculateurs). La GPL, la Licence publique générale de la fondation GNU est la licence la plus largement utilisée pour les « logiciels libres », couvrant les principaux composants du système d'exploitation GNU et des dizaines de milliers d'autres programmes d'ordinateur utilisés sur des dizaines de millions d'ordinateurs dans le monde. La fondation est très préoccupée par l'utilisation et le développement de la loi sur le droit d'auteur pour encourager le partage, comme pour protéger les droits des utilisateurs et le domaine public.

Résumé de l'argument

« À vrai dire, Sonny [Bono] voulait que la durée de la protection du droit d'auteur soit éternelle. »
--Rep. Mary Bono
144 Cong. Rec. H9951 (daily ed. Oct. 7, 1998)

Si feu le représentant Bono croyait que c'était possible, il se trompait. La Cour d'Appel s'est trompée en soutenant que les membres du Congrès après avoir fait part de leur objectif, peuvent réussir à faire ce que la Constitution interdit expressément simplement parce qu'ils procèdent par succession de règlements plutôt que par une loi unique.

Personne ne soutient sérieusement que le Congrès peut atteindre un but interdit expressément en divisant les moyens d'y parvenir en plusieurs règlements. La Cour d'Appel a pourtant soutenu qu'à condition que chaque règlement individuel déclare une augmentation numérique précise, le Congrès peut prolonger indéfiniment la durée de vie des droits d'auteur existants. Cette conclusion est en conflit direct avec le langage de la clause relative au droit d'auteur, Article I, §8, cl. 8, dans son sens initial. L'histoire constitutionnelle de l'Angleterre et de l'Amérique du Nord britannique de plus, est sans ambiguïté sur l'importance du « temps limité » dans le contrôle de l'ensemble des monopoles étatiques établis, dont le droit d'auteur et les brevets sont des spécimens du genre. Les maux mêmes qui ont conduit les avocats constitutionnels américains et de l'Amérique du Nord britannique à insister sur la durée strictement limitée des monopoles royaux et statutaires, et à inclure cette exigence dans la clause relative au droit d'auteur Article I, sont présents dans la prolongation rétroactive des droits d'auteur existants du CTEA (Loi sur l'extension du terme du droit d'auteur) de Sonny Bono, Pub. L. No. 105-298, Title I, 112 Stat. 2827, en question dans cette affaire.

Sur le plan du droit d'auteur, l'exigence d'une limitation dans le temps protège le domaine public en pourvoyant à son enrichissement continuel. Le domaine public est une ressource essentielle à notre système constitutionnel de libre expression. Comme cette Cour l'a précédemment reconnu, plusieurs aspects du système du droit d'auteur représentent les exigences de limitation constitutionnelle sur la nature des monopoles que le Congrès a le pouvoir d'accorder. La limitation de durée n'est pas seulement une limitation constitutionnelle particulièrement importante sur le pouvoir du Congrès, en vertu de sa présence dans le texte lui-même -- qui va au delà des limitations textuelles implicites du fair use (usage raisonnable) et la dichotomie idée/expression -- mais aussi dans le rôle qu'elle joue : la protection des ressources communes du domaine public.

Le CTEA de façon anticonstitutionnelle met les droits du domaine public en danger en passant outre la claire intention d'exiger une limitation de durée. Si le Congrès avait agi de façon unilatérale pour réduire les durées du droit d'auteur, comme le Solliciteur Général semble croire qu'il en a le pouvoir, en faisant entrer de force certaines œuvres dans le domaine public des décennies en avance sur les prévisions en cours, il ne fait aucun doute que les industries basées sur le droit d'auteur auraient attaqué la législation comme une citadelle. Si, d'autre part, le Congrès faisait en sorte de prolonger chaque bail quinquénnal de location par le gouvernement fédéral de 99 ans supplémentaires, il ne fait pas de doute qu'il serait exigé une compensation. Le Congrès ne devrait pas être autorisé à prendre l'intérêt public de reversion au domaine public, pas plus qu'il ne peut considérer une partie de la durée originale des droits d'auteur ou de n'importe quel intérêt loué à bail comme de la propriété matérielle. Le système constitutionnel de libre expression, le langage de la clause relative au droit d'auteur et l'histoire de nos traditions n'en demandent pas moins.

Argument

Les pionniers destinaient le droit d'auteur à établir un monopole sur les œuvres d'auteur pendant un temps strictement limité

Les mots « pour des durées limitées » figurent dans la clause relative au droit d'auteur, Article I, §8, cl. 8 comme le résultat d'une longue et amère expérience d'avec la plaie constitutionnelle que représentent les monopoles attribués par l'État. Depuis le 17ème siècle, la condition de limitation dans le temps était un mécanisme constitutionnel de base pour traiter avec le potentiel d'abus de pouvoir inhérent au monopole royal ou statutaire. L'utilisation par la reine Élisabeth de lettres patentes monopolisant certains négoces comme un moyen de soutirer l'argent des acheteurs au profit des monopoles a provoqué l'affaire Darcy v. Allen, (The Case of Monopolies <l'affaire des monopoles>), 11 Co. Rep. 84 (1603), pour laquelle un monopole de patente royale sur la fabrication et la distribution de cartes à jouer a été jugé nul. Le Parlement a suivi en 1624 avec le Statut des Monopoles, 21 Jac. I, c. 3, qui déclarait que seul le Parlement pourrait accorder des monopoles statutaires, limités aux nouvelles inventions, pour une période qui n'excédait pas 14 ans Voir 4 William Blackstone, Commentaries on the Laws of England (commentaires sur les lois d'Angleterre) *159 (1769). Cette limitation constitutionnelle a été esquivée par Charles Ier durant la période de son règne despotique ; les monopoles royaux résultants ont nourri des accusations conséquentes dans les années qui ont précédé la guerre civile en Angleterre. Voir Cecily Violet Wedgwood, The King's Peace (la paix du roi) 156-62 (1955).

Les colons américains en désaccord avec le gouvernement de Charles Ier ont perçu la nuisance des monopoles gouvernementaux ; dans la colonie de la Baie de Massachusetts dès 1641, la Cour Générale de la Colonie a décrété qu'« il n'y aura de monopoles accordés ou autorisés entre nous que pour les nouvelles inventions profitables pour le pays, et ce, pour une courte période » The Charter and General Laws of the Colony and Province of Massachusetts Bay (la Charte et les lois générales de la colonie et la province de la baie du Massachussets) 170 (Boston, 1814) ; voir aussi George Lee Haskins, Law and Authority in Early Massachusetts (Les lois et autorités dans les premiers temps du Massachussets) 130 (1960).

Quand la loi sur le droit d'auteur de 1709 - le fameux « Statut d'Anne » - a été rédigée, les pionniers ont insisté sur une limitation de durée bien plus rigoureuse que celle que les auteurs proposaient, dont John Locke ; Ils optèrent pour une limite de quatorze ans dans le Statut des Monopoles. Voir Mark Rose, Authors and Owners : The Invention of Copyright (auteurs et propriétaires : l'invention du droit d'auteur 44-47 (1993). La limite pourvue par le Statut d'Anne - quatorze années avec un renouvellement de quatorze années si l'auteur survivait à son premier terme - fut adoptée par le Premier Congrès dans la loi sur le droit d'auteur de 1790. Voir Copyright Act of 1709, 8 Anne, c. 19; Act of May 31, 1790, 1 Stat. 124-25.

Les auteurs de la Constitution ont accepté de manière unanime et sans discussion substantielle l'idée d'une durée limitée pour les droits d'auteur dans la rédaction de l'article I. Voir 2 Max Farrand, The Records of the Federal Convention of 1787 (les procès-verbaux de la Convention fédérale de 1787), 321-325, 505-510, 570, 595 (1937)[2]. De cette manière, comme l'a montré l'utilisation de la limite temporelle du Statut des Monopoles dans la loi sur le droit d'auteur de 1790 qui a suivi, les pionniers et le Premier Congrès ont agi en toute conscience de la longue histoire des tentatives de contrôle des nuisances générées par les monopoles statutaires en limitant leur durée.

L'importance constitutionnelle de la restriction « durée limitée » ne peut pas être viciée comme le ferait le raisonnement de la Cour d'Appel en donnant au Congrès l'opportunité de créer des perpétuations par échelonnement, pas plus que le Congrès ne peut éliminer l'exigence constitutionnelle d'originalité. Feist Publications, Inc. v. Rural Telephone Service, Co., Inc., 499 U.S. 340, 346-347 (1991). La Cour d'Appel s'est fondamentalement trompée dans sa conclusion que « rien dans le texte ou dans l'histoire n'indique qu'une limite temporelle au droit d'auteur n'est pas un « temps limité » si celui-ci peut ultérieurement être prolongé par un autre « temps limité » » Eldred v. Reno, 239 F.3d 372, 379 (CADC 2001). À cet égard, le CTEA ne devrait pas être jugé isolément. La question est de savoir s'il n'y a rien dans le texte ou dans l'histoire qui rende constitutionnellement inacceptables les onze prolongements de la durée du monopole dans les quarante dernières années ayant eu pour résultat la quasi-disparition de l'élargissement au domaine public, couverts par statut devant la Cour, qui diffère la reversion de chaque droit d'auteur existant à des décennies.

Le contexte politique contenu dans la clause relative au droit d 'auteur est absolument nécessaire à la réconciliation entre le monopole du droit d'auteur et le système de libre expression

Aussi important que soit le principe de temps limité dans la modération des nuisances générées par les monopoles statutaires d'une manière générale, dans le domaine du droit d'auteur, celui-ci a une visée bien plus essentielle. La limitation de la durée du droit d'auteur assure le réapprovisionnement du domaine public, le vaste entrepôt de la culture commune de l'humanité. Le domaine public est le tremplin de la créativité sociale, la zone de libre reproduction et d'échange qui rend l'innovation possible. Comme Yochai Benkler l'a montré de façon élégante, l'existence d'un domaine public vigoureux et en développement réconcilie les droits exclusifs du système du droit d'auteur avec les buts fondamentaux du système de libre expression protégé par le premier amendement. Voir Yochai Benkler, Free as the Air to Common Use : First Amendment Constraints on Enclosure of the Public Domain (libre comme l'air à usage ordinaire : les contraintes du premier amendement sur l'enceinte du domaine public), 74 N.Y.U.L. Rev. 354, 386-394 (1999). La Cour ci-dessous s'est trompée en donnant une fin de non recevoir simpliste aux soucis du premier amendement des pétitionnaires. Cette Cour s'en est d'abord tenue à son opinion comme quoi les exigences du Premier Amendement étaient « catégoriquement » satisfaites par la distinction entre idée et expression, et de là que tout matériel couvert par le droit d'auteur mais soumis à la justification d'un usage raisonnable (« fair use ») serait donc si copieusement protégé aux fins de l'expression libre qu'aucune réclamation du premier amendement ne peut être recevable. 239 F.3d, 375-376.

Cette position ne peut simplement pas être exacte. La Cour ci-dessous reconnaît qu'une tentative du Congrès de rendre le droit d'auteur éternel in haec verba (dans ces termes) serait interdit par le langage de la clause relative au droit d'auteur. Id., 377. Mais même si le subterfuge de parvenir à une éternité fragmentaire par la répétition rétroactive des prolongements esquive d'une façon ou d'une autre la claire injonction de la clause relative au droit d'auteur, cela ne rend pas le premier amendement impuissant pour autant. Comme le disait le grand spécialiste du droit d'auteur Melville Nimmer :

Si je peux posséder Blackacre éternellement, pourquoi pas aussi Black Beauty ? La réponse tient dans le premier amendement. Il n'y a pas de langage d'intérêt compensatoire qui doive être comparé à la possession éternelle d'une propriété matérielle, réelle et personnelle. Une tel langage existe concernant la propriété littéraire ou le droit d'auteur.

Melville B. Nimmer, Does Copyright Abridge the First Amendment Guaranties of Free Speech and the Press ? (Le droit d'auteur diminue-t-il les garanties de la liberté d'expression et de la presse?), 17 UCLA L. Rev. 1180, 1193 (1970).

Pas plus que la position de la Cour d'Appel n'a d'appui dans les tenues de cette Cour. Au contraire, comme les affaires de cette Cour le rendent clair, le droit d'auteur et les monopoles statutaires relatifs doivent se conformer dans leur expression - comme toute autre règle de rhétorique - aux exigences du premier amendement. Dans l'affaire Harper & Row, Publishers, Inc. v. Nation Enterprises, 471 U.S. 539 (1985), cette Cour a rejeté ce qu'elle caractérisait comme une « figure publique d'exception au droit d'auteur » parce qu'elle trouvait suffisantes « les protections du premier amendement déjà contenues dans la loi sur le droit d'auteur dans la distinction entre… les actes et les idées, la latitude à l'éducation et aux commentaires étant traditionnellement fournis par le fair use ». Id., 560. Ainsi la Cour a indiqué qu'elle ne trouvait « aucune justification » à un plus ample développement de la doctrine du fair use. Id. Ceci n'implique nullement, comme la Cour d'Appel l'a conclu tant bien que mal, que Harper & Row se place comme une barre insurmontable à tout défi du premier amendement à tous les statuts subséquents du droit d'auteur. Voir 239 F.3d, 375. Dans l'affaire San Francisco Arts & Athletics, Inc. v. United States Olympic Committee, 483 U.S. 522 (1987), cette Cour a appliqué une analyse classique du premier amendement à un statut donnant une protection spéciale de quasi-marque déposée au mot « Olympic » se demandant « si les restrictions fortuites aux libertés du premier amendement n'étaient pas plus importantes que nécessaires pour favoriser un intérêt gouvernemental substantiel ». Id., 537 (citation omise).

Le premier amendement abhorre le vide de l'expression limitée. L'élaboration de nouvelles œuvres par la critique, la révision, et la modification du matériel existant est l'empreinte même de la culture instruite dans tous les arts et les sciences. Le premier amendement n'établit pas simplement une série de doctrines indépendantes, mais un « système de libre expression ». Voir Thomas I. Emerson, The System of Freedom of Expression (le système de la liberté d'expression) (1970). Nos engagements constitutionnels envers un débat public « désinhibé, vigoureux, et grand-ouvert », New York Times Co. v. Sullivan, 376 U.S. 254, 270 (1964), un « marché des idées » Reno v. American Civil Liberties Union, 521 U.S. 844, 885 (1997); cf. Abrams v. United States, 250 U.S. 616, 630 (1919), où il ne doit y avoir aucune possibilité de « prescrire ce qui devra être conforme » West Virginia Board of Education v. Barnette, 319 U.S. 624, 642 (1943), exige de nous que nous regardions avec un grand scepticisme toute restriction à la formation et à l'expression des idées. La clause relative au droit d'auteur n'exempte pas d'un examen minutieux la législation décrétée d'après elle, mais établit plutôt les principes qui permettent aux monopoles statutaires et à la libre expression de coexister. Parmi ceux-ci, le principe de durée limitée est loin d'être le plus important. En refusant de considérer l'effet de la législation présente dans le contexte plus large d'une politique congressionnelle de prolongation des droits d'auteur fragmentaire, indéfinie, en volume, en rapport avec les buts établis par la clause relative au droit d'auteur elle-même, la Cour d'Appel a failli dans son devoir de protéger les intérêts inestimables du système de libre expression.

La prologation indéfinie de la durée du monopole sur les œuvres d'auteur existantes est incompatible avec la clause relative au droit d'auteur et le premier amendement

Précisément parce que la création de droits exclusifs sur les expressions implique inévitablement un certain danger de monopolisation des idées, il est essentiel à la coexistence du droit d'auteur et du premier amendement que tous les droits exclusifs sur les expressions soient limités dans le temps. À un moment donné, tous les droits exclusifs doivent prendre fin. Sous notre Constitution la reversion de toutes les œuvres d'auteur doit irrévocablement être acquise au public.

Cette reversion n'est pas constitutionnellement facultative. Dans le contexte des brevets, cette Cour a décrit la reversion comme une « condition » que l'œuvre sujette au monopole statutaire provisoire passe dans le domaine public à l'expiration du brevet. Singer Mfg. Co. v. June Mfg. Co., 163 U.S. 169, 185 (1896).

Sans tenir ce principe constitutionnel pour évident, la Cour d'Appel a soutenu que ce congrès pouvait créer une perpétuité sur le droit d'auteur à condition qu'il le fasse de façon séquentielle, en procédant par des prolongations répétitives de tous les droits d'auteurs existants pour des durées nominalement « limitées ». Cette position est en contradiction avec l'esprit de la clause relative au droit d'auteur et du premier amendement réunis. La Cour d'Appel a soutenu à tort, en suivant son propre précédent, Voir Schnapper v. Foley, 667 F.2d 102, 112 (1981), que la seule phrase comprenant la clause relative au droit d'auteur, autorisant le congrès à « promouvoir le progrès de la science et des arts utiles en sécurisant pour des temps limités le droit exclusif aux auteurs et inventeurs sur leur écrits ou leurs découvertes respectifs », n'impose aucune limitation substantielle au congrès dans sa déclaration d'objectifs. Mais la Cour d'Appel n'a pas pris conscience, comme elle le doit, que ce cas de Cour montre clairement que le pouvoir congressionnel est en effet limité par la clause relative au droit d'auteur, et par conséquent son effort se plie à la désintégration d'une phrase de vingt sept mots, dirigée à prouver que les neuf premières sont d'une façon ou d'une autre constitutionnellement irrecevables.

Cette Cour s'est tenue pour la première fois à l'occasion de l'affaire des marques déposées Trademark Cases, 100 U.S. 82 (1879), et a réaffirmé dans Feist, supra, 499 U.S., 346-47, que le Congrès ne pouvait pas constitutionnellement édulcorer l'exigence d'originalité en rallongeant la couverture du droit d'auteur aux œuvres d'auteur qui se servent d'expressions déjà existantes, ou dans lesquelles l'effort de recueil et d'adaptation des informations existantes ne fonde pas ce « minimum de créativité » que la Constitution exige. Selon la Cour d'Appel, toutefois, le principe d'originalité émerge uniquement des mots « écrits » et « auteur », en ne prenant pas le plus léger appui sur la déclaration d'objectifs qui introduit la clause relative au droit d'auteur.

La clause relative au droit d'auteur est unique parmi les énumérations de la puissance législative dans l'article I, §8 en contenant une déclaration d'objectifs ; qui décrit à elle seule « tant les objectifs que le congrès peut viser que les moyens d'y parvenir ». Goldstein v. California, 412 U.S. 546, 555 (1973). Adopter une lecture de la clause qui refuse les conséquences juridiques des mots que les pionniers ont inclus spécifiquement et de façon atypique, est un modèle de contruction constitutionnelle aberrant.

Sans même se référer au début de la clause, cependant, les avis antérieurs de cette Cour montre que la Cour d'Appel a mal perçu le travail de construction. La Cour d'Appel traite les mots « temps limités » dans des termes purement formels, de sorte qu'après les dix prolongements précédents enclenchés en 1962 mettant hors de portée du domaine public pendant une génération la totalité des œuvres dont les droits d'auteur expirent soi-disant autrement, le prolongement du CTEA des durées existantes pour à nouveau vingt ans ne soulève pas de substantielle question constitutionnelle parce que la nouvelle période de prolongement de vingt ans est numériquement définie. La même approche, formelle et non contextuelle, de ces mots devrait toutefois aboutir au résultat rejeté par cette Cour à Feist : les répertoires téléphoniques sont indéniablement des « œuvres écrites » ; dans le même goût désagréable qu'un prolongement de durée décrite dans le CTEA serait « limité ».

Le cinquième amendement interdit ce genre de pratique juridique à l'égard des droits de la propriété physique, et aucune justification constitutionnelle ne permet de faire avec la libre expression ce qui ne peut pas l'être avec la simple propriété

Selon la logique des tenues de la Cour d'Appel, apparemment appuyée dans cette Cour par le Solliciteur Général, le congrès pourrait voter un statut écourtant la limite des droits d'auteurs existants, réappropriant le domaine public d'un grand volume d'œuvres encore couvertes. Si le règlement avait simplement stipulé que la durée du droit d'auteur était écourtée de quatorze ans, selon la Cour d'Appel, cela satisferait aux exigences de « temps limité », et cela ne donnerait pas à la Cour l'occasion de s'informer de savoir si un tel changement aiderait à la promotion du progrès des sciences et des arts utiles, bien qu'on s'attende à ce que les détenteurs de droits d'auteur soutiennent qu'une telle modification de la durée des droits existants les priverait du bénéfice que le « marché du droit d'auteur » est supposé leur « assurer ».

Mais le marché du droit d'auteur est confronté à deux objectifs : « garantir » aux auteurs leur monopole limité en échange de la reversion au public. Or augmenter l'intérêt de reversion aux dépens de la propriété initiale n'est pas conceptuellement différent que d'augmenter le monopole du détenteur de droits d'auteur aux dépens de l'intérêt de reversion ; qui est celui de la société toute entière et du système de libre expression. Diminuer ou éliminer le domaine public afin d'augmenter le bénéfice des monopolistes dont les œuvres ont déjà été créées grâce à l'allocation précédente des droits, ne fait pas la promotion du progrès des connaissances ni ne respecte l'intérêt de la libre expression d'une importance critique pour la santé du domaine public [3].

Pas plus que la clause relative aux recettes du cinquième amendement ne permettrait un tel ajustement législatif non-compensé de la durée des intérêts dans de la vraie propriété. Le droit d'auteur, de façon peu surprenante sachant qu'il tient ses origines de la loi commune, adopte une structure essentiellement familière aux « possessions » dans les œuvres d'auteur, à commencer par la limite des années ou un usufruit plus une limite des années, avec un retour au domaine public. Cette Cour a soutenu que les changements législatifs au sujet de ces biens qui ruinent ou limitent l'intérêt de reversion de la vraie propriété afin d'obtenir la redistribution entre parties privées est « d'usage public » au sens de la clause relative aux recettes, et est constitutionnel s'il est compensé. Hawaii Housing Authority v. Midkiff, 467 U.S. 229 (1984). Mais il n'a jamais été suggéré que le Congrès ou une législation étatique pouvait parvenir à un tel énorme transfert de richesses aux actuels rentiers à travers le prolongement des limites de tous les baux existants, en anéantissant ou en reportant indéfiniment l'intérêt de reversion sans payer de compensation.

Ce que le cinquième amendement interdit au niveau des interférences entre droits existants pour la propriété matérielle, ne devrait pas être autorisé quand les droits détruits par les changements législatifs des règles de propriété sont ceux de la liberté d'expression et de publication. La Cour d'Appel a dédaigneusement vu les pétitionnaires comme des gens qui cherchent à faire valoir leurs droits d'utiliser le travail garanti par le droit d'auteur des autres. 239 F.3d, 376. À l'inverse, les pétitionnaires réclament seulement leur droit constitutionnel d'utiliser des œuvres qui devaient être versées dans le domaine public comme exigé par la loi en vigueur quand les monopoles statutaires particuliers en question ont été garantis, et ce, sans l'interférence anticonstitutionnelle du Congrès.

Les dangers spécifiques d'abus et de corruption justifient un examen constitutionnel rigoureux lorsqu'il s'agit de prolonger la durée des monopoles établis

Pendant le premier siècle de notre république, la durée des droits d'auteur a été prolongée une fois. Durant les soixante dix dernières années, il a été prolongé encore une fois. Depuis 1962, la durée des droits d'auteurs a été prolongée régulièrement d'augmentations allant de un à vingt ans, et le flux des œuvres déposées aux États-Unis qui entrent dans le domaine public a presque cessé. Devant cette Cour, le statut diffère d'une génération supplémentaire les droits protégés par le premier amendement à n'importe qui excepté aux détenteurs de monopoles statutaires.

Aucun modèle de législation ne pourrait montrer plus clairement la présence des maux mêmes contre lesquels les auteurs de la Constitution et leurs ancêtres ont lutté, et qui ont donné naissance à la clause relative au droit d'auteur et à ses exigences de « temps limité ». Pendant la lutte pour la liberté constitutionnelle nos prédécesseurs ont perçu un danger de corruption dans l'octroi des monopoles. Le danger qu'ils ont appréhendé venait de l'exécutif, qui pouvait utiliser son pouvoir pour accorder ces monopoles et mobiliser des fonds indépendamment de la législature. À notre époque, le risque vient du fait que la législature, à qui est accordé le pouvoir de créer de tels monopoles par l'article I, §8, va utiliser ce pouvoir pour faire bénéficier les détenteurs de droits d'auteur au détriment du domaine public. Un tel objectif -- de transformer le système de libre expression en une série de fiefs privés au bénéfice des monopolistes, qui peuvent choisir de dégrever par petite portion les rentes de leur monopole ainsi soutirées à la population sous forme de cotisations de campagne -- est interdit au congrès par le langage clair de la clause relative au droit d'auteur et par le premier amendement. L'utilisation de prolongements intérimaires répétés pour réaliser l'effet d'une perpétuation n'est pas moins dangereuse qu'un simple décret que toutes les parties reconnaissent comme anticonstitutionnel. Au contraire, une telle pratique législative augmente les dangers de corruption sans diminuer le tort fait au domaine public.

Conclusion

Peut-être que le défunt représentant Bono a cru en effet que le droit d'auteur pouvait durer éternellement. Que n'importe quel législateur puisse soutenir ce point de vue reflète le degré de danger dans lequel nous avons dérivé pour une partie fondamentale du système de libre expression. Cette Cour devrait soutenir que la prolongation de la durée des droits d'auteurs existants proposée dans le CTEA viole les exigences de la clause sur le droit d'auteur et du premier amendement. La décision de la Cour d'Appel devrait être annulée.

Respectueusement.




1  Les avocats conseil pour les deux parties ont consenti au classement de ce factum, et ces consentements ont été classés avec le greffier de cette Cour. Aucun avocat-conseil pour l'une ou l'autre partie n'a eu de rôle dans la création de ce factum, et personne d'autre que l'amicus et ses conseils n'a apporté de contribution monétaire à sa préparation et à sa soumission.
2  Le seul amendement établi fut le remplacement de la phrase initialement suggérée par Charles Pinckney de la Caroline du Sud, comme quoi les monopoles étaient accordés pendant un « certain temps ». Voir 3 id., p 122.
3  La Cour d'Appel a minimisé l'importance de l'appauvrissement du domaine public quand elle a maintenu que « préserver l'accès aux œuvres qui autrement auraient disparu -- non pas versées dans le domaine public mais disparues -- « promeut le progrès » aussi sûrement que la stimulation pour la création de nouvelles œuvres ». 239 F.3d, 379. C'est une référence manifeste aux réclamations faites par les détenteurs de droit d'auteur dans le processus législatif comme quoi certains types d'œuvres, particulièrement les films, ne seraient pas protégés physiquement tant que les monopoles du droit d'auteur n'étaient pas prolongés. Il suffit de préciser qu'un tel principe pour la remise des monopoles de droit d'auteur est en conflit avec l'exigence d'originalité constitutionnellement mandatée : Le Congrès ne peut pas choisir de protéger les livres, les films ou la musique en cédant au conservateur un statut de monopole de copie et de redistribution pendant des décennies.

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